Carte de l’Europe via Charles Clegg
Ce serait une erreur de croire que l’UE ne peut être qu’économique et/ou technique. Au contraire, dans l’esprit des fondateurs, elle se présente au service de l’homme, de la paix et de la prospérité en faisant passer l’individu du statut de « consommateur du Marché commun » à un autre plus fort : porteur d’identités multiples issues des valeurs fondamentales, et de cultures nées d’une histoire qui transcende les frontières de l’État-nation, Il devient acteur de la construction européenne.
Ainsi, parler de citoyenneté de l’Union européenne, c’est poser les questions de la supranationalité, de l’articulation des identités et de la représentativité, de la gouvernance. Pensée et appliquée par les États membres en 1992 comme un ensemble de droits, la citoyenneté ne crée pas d’emblée le sentiment d’appartenance : cette conscience se construit et constitue un droit qui passe par l’éducation dès le plus jeune âge.
Et les mots ont tout leur sens : le sentiment d’appartenance est lié à l’Union européenne et non pas à l’Europe qui, vaste, vague et abstraite, n’a pas de sens socio-politique réel. En revanche l’UE est un objet politique concret nécessitant d’être incarné en référence à la culture qui est la nôtre. Ainsi l’UE a besoin d’un visage tout comme elle doit connaître ses rivages et se doter d’une image.
Nul besoin d’uniformisation pour se reconnaître : dans l’UE des 27 coexistent plusieurs cultures nationales dont chacune est traversée d’influences multiples. C’est tout le sens de la devise « unie dans la diversité ».
Au risque de déplaire à certains, il existe une culture commune que nous partageons de manière consciente ou non. Cette reconnaissance conditionne l’acceptation de l’UE comme dimension territoriale d’appartenance.
Les éléments sociologiques et anthropologiques constitutifs d’une culture commune sont présents et inscrits dans les préambules des Traités. Notre culture dispose de préceptes fondamentaux auxquels nous adhérons en tant que nation et en tant que peuple par la ratification des Traités. Quelques éléments ? Notre histoire depuis plus de 2000 ans est commune et pas seulement nationale, nous partageons un mythe créateur et pratiquons des rites similaires, l’UE a ses héros et ses fondateurs tout comme elle dispose de symboles. L’UE a ses institutions, politiques et sociales, mais aussi des programmes et des règles, sans oublier ses normes ou encore sa monnaie. La culture européenne se traduit par ses artefacts partout dans l’Union. Et si nous n’avons pas de langue commune par choix, nombre d’Européens sont aujourd’hui capables de s’exprimer dans une autre langue européenne que leur langue maternelle.
Pour autant, affirmer qu’il existe une culture européenne n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin. Dans cette perspective, l’exercice de la subsidiarité est un objectif incontournable. Voté lors du traité de Maastricht, ce principe est compris dans les pays centralisés comme étant du seul ressort de l’État-nation. Pourtant, la subsidiarité devra à l’avenir se concevoir comme un outil de proximité et de développement des cultures politiques, économiques et sociales, pensé à l’échelon le plus proche du citoyen, notamment la région. Cela pose la question centrale de la gouvernance. L’UE doit progresser dans un projet plus intégré, globalisation oblige, mais elle doit aussi faciliter la prise d’autonomie au niveau le plus proche du citoyen. L’illustration en est faite par l’affirmation des régions d’Europe de tendre vers plus de possibilités de prise de décision, d’autonomie. Toutes expriment leur attachement à l’UE et en même temps remettent en question le fonctionnement de l’État-nation. Enfin, la démocratie doit gagner du terrain ; plus que des listes transnationales c’est le mode de scrutin pour les élections européennes qui doit évoluer en devenant le même dans tous les pays. Ainsi, voter le même jour sur un scrutin unique pour des parlementaires identifiables et présents sur le terrain permettra à l’électorat de se sentir citoyen de l’Union.