Les consultations : ouverture démocratique ou astuce des embarrassés ?

Les Consultations citoyennes sur l’Europe constituent un grand chapitre de l’engagement européen en 2018. Elles doivent à présent se poursuivre ou se solder par des réponses concrètes. Koceila Bounouar, étudiant en Affaires internationales à Sciences po, analyse dans sa tribune pour Euroclic les enjeux et les conséquences de ce grand débat national sur l’Europe.

Les Consultations citoyennes sur l’Europe, qui ont eu lieu d’avril à octobre 2018, étaient les principaux outils d’une ouverture démocratique européenne à l’initiative du Président de la République française. Alors que la situation se complexifie de toutes parts en Europe, les chefs d’États des 28 pays de l’Union européenne se sont réunis les 13 et 14 décembre lors du Conseil européen. L’occasion pour eux de discuter et de réfléchir sur la synthèse européenne des 25 pays ayant participé à ces Consultations citoyennes sur l’Europe, et pour nous de faire un point sur ces débats.

Après le rejet par référendum de la constitution européenne de 2005, un sentiment anti-européen s’est dangereusement accru dans différents pays du continent et l’impression d’une Europe imposée a grandi à mesure que les explications tardaient et que les décisions d’ouverture ne s’amorçaient qu’en raccourcis. La rancœur s’est abattue sur les oubliés, les délaissés, les marginalisés et, au rythme des contestations populaires, le désir de conciliation de beaucoup de nos concitoyens a disparu. Les promesses deviennent synonymes de mensonges et l’impatience s’organise comme consensus.

C’est pourquoi ces consultations ont été des occasions de discussions salutairement essentielles pour rassembler les convaincus et convoquer les indécis, afin de dévoiler à tous une Europe qui écoute les volontés populaires et qui agit en conséquence. « Parler aux gens » est une activité bien antérieure à l’instauration de ces consultations et de nombreuses organisations, ONG, associations, etc. pourraient en témoigner. La nouveauté réside dans la volonté affichée d’améliorer le dialogue citoyen pour éviter le monologue institutionnel, trop évident en Europe. Organiser la réunion des idées devient urgente depuis que le fracas politique des crises supportées par notre continent a bousculé un ordre collectif établi dans la paix et à décupler l’évidence de l’union.

Ces Consultations citoyennes étaient un test d’importance, pour jauger l’attachement de nos concitoyens au projet européen, mais aussi pour ouvrir le débat sur les questions essentielles de participation et de démocratie. Le rapport final des Consultations citoyennes sur l’Europe, élaboré par la Commission nationale du débat public (CNDP), a permis de faire émerger beaucoup de propositions claires, intelligentes et audacieuses, sur l’environnement, la défense, la gouvernance, les institutions, le vivre ensemble, etc. Certaines idées comme instaurer une police environnementale européenne, enseigner l’utilisation des outils numériques à l’école, organiser des compétitions culinaires européennes, faire des débats électoraux avant les élections, créer une agence européenne du renseignement financier ne demandent qu’à être exploitées, pour qu’enfin s’amorce la fondation d’un modèle inclusif, fondé sur une Europe plus solidaire, plus intelligible et plus démocratique. La lucidité, l’inventivité et la cohérence de certaines propositions démontrent d’une intelligence collective, qui servirait profusément au projet européen.

Résolues de la nécessité d’un débat public pluraliste sur l’Union européenne, de nombreuses associations (dont le Mouvement Européen – France), se sont engagées dans ces Consultations citoyennes sur l’Europe, pour partir à la rencontrer de publics divers et soucieux d’une parole trop peu déléguée et mise en commun. Ces rencontres directes ont créé l’éveil des volontés européennes de beaucoup et le constat partagé d’un désir d’Europe. Sans distinction d’âge, de profession ou de catégorie sociale, les Consultations citoyennes ont permis de s’exprimer en tant que citoyen. Parce qu’être européen c’est aussi le dire, la parole, une fois partagée, permet une appropriation du projet européen. Beaucoup ne demandaient qu’à être écoutés par ceux qui les accusent souvent de mal voter.

Pour que la dynamique subsiste et perdure, la consultation doit devenir la caractéristique majeure et première dans un espace où le populisme s’ambitionne comme l’alternative au mécontentement. L’immédiat nous impose d’être attentif, de comprendre, de convaincre ceux qui n’y croient plus, et de se rendre compte de la dangerosité du manque d’écoute, qui crée l’ignorance et la frustration, sentiments qui mènent trop souvent à de sinistres situations déjà vécues en Europe.

Avec la fin des consultations, une autre consultation décisive s’ouvre : les Élections européennes du 26 mai 2019. Penser la suite des consultations, c’est penser à ne jamais arrêter d’écouter les citoyens, parce que le projet collectif n’est jamais abouti, et que faire mieux pour tous doit toujours être l’horizon perpétuel. L’Europe est une conception, une idée, un dessein, qui germe à condition de travailler ensemble. Même si l’Europe peine à convaincre certains, elle doit rester le cadre commun de contestation, pour mieux argumenter nos différences, tout en conciliant nos absolus. C’est pour cela que l’Union européenne doit toujours être une obsession démocratique et pas une humeur électorale.