Déclaration sur l’agression turque contre les Kurdes de Syrie

La décision du gouvernement américain de retirer ses forces du Kurdistan syrien alors que cette région fait face à une agression de l’armée turque place l’Europe dans une situation d’exceptionnelle gravité. Cela nous pousse, nous militants de l’unité européenne, d’appeler l’Union et ses Etats-membres à réagir aussi vigoureusement que possible.

Les Kurdes constituent une force laïque et progressiste dans un Moyen-Orient en proie à la montée de l’islamisme. Ils se sont particulièrement signalés dans le combat contre la barbarie islamiste en Irak et en Syrie, surtout dans ce dernier pays où, au nom de la coalition internationale contre Daech, ils ont lutté au sol presque seul contre cette organisation criminelle fanatique au prix de 11000 morts : rappelons, entre autres faits d’armes, leur héroïque et victorieuse défense de la ville de Kobané en 2015.

L’agression militaire turque contre les Kurdes ne nous surprend pas. Les gouvernements turcs ont presque toujours brutalement réprimé les mouvements autonomistes kurdes, parfois avec de grands massacres de population comme entre 1984 et 1999 : de 30 à 40000 morts et 400000 déplacés. Dans l’offensive militaire actuelle, il y a donc lieu de craindre le pire, d’autant que l’armée la mène en se servant largement de supplétifs islamistes.
S’il se confirme, l’abandon par le gouvernement américain des Kurdes de Syrie, trahison d’amis et d’alliés, n’est pas seulement un acte moralement méprisable. Il cause un préjudice grave à nos intérêts et à nos valeurs en ôtant tout crédit à l’action de nos pays au Moyen-Orient et en affaiblissant considérablement la lutte contre le terrorisme islamiste : fuite de nombreux militants de Daech détenus dans les prisons kurdes et risque de reprise d’activité de cette organisation criminelle à la fois au Moyen-Orient et en Europe. D’ailleurs l’actuel pouvoir turc, lui-même de tendance islamiste, s’est toujours comporté vis-à-vis de Daech de manière ambigüe quand il ne l’a pas aidé en sous-main.

Face à cet abandon américain, l’Europe se trouve en première ligne, obligée d’agir seule si elle veut éviter le déshonneur et le déclassement. Elle doit pour cela utiliser tous les moyens à sa disposition, éventuellement selon une progression tactique :

  • en premier lieu une condamnation dure de l’agression par l’Union européenne et le rejet du chantage turc sur l’immigration;
  • ensuite l’arrêt définitif des négociations d’adhésion de la Turquie ;
  • l’imposition de sanctions économiques, financières et personnelles contre le pays et ses dirigeants, y compris la mise en cause de l’union douanière ;
  • la rupture des relations diplomatiques ;
  • la mobilisation de l’initiative européenne d’intervention lancée en juin 2018 ;
  • la constitution d’un pôle de défense des pays de l’Union européenne au sein de l’OTAN pouvant agir de manière autonome.

Au delà de ces mesures, l’Union européenne doit impérativement saisir la portée de cet événement pour mettre sur pied sans délai une véritable et ambitieuse politique extérieure incluant diplomatie, sécurité et défense et assumer ainsi la place dans le monde et le rôle géopolitique d’un ensemble de 500 millions d’habitants.
Nous demandons à nos organisations-mères respectives, le Mouvement européen national et la Fédération française des Maisons de l’Europe, de prendre cette déclaration à leur compte et de la rendre publique.

 

Le Mouvement européen 56 et la Maison de l’Europe du Morbihan-Bretagne Sud.