Les difficultés d’une TVA européenne

Notre contributeur Roland Walter revient sur le choix des Etats membres de l’Union européenne d’adopter le principe unique de la TVA à la française dans les échanges intracommunautaires. Prévue pour harmoniser l’imposition de la dépense dans le marché unique, la mise en place d’un régime définitif de cette taxe européenne se heurte à de nombreuses difficultés.

Pieces d'euros

Pièces de monnaie via Sylvain Naudin

La TVA à la française à l’échelle de l’Union européenne

La Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), impôt sur la dépense, est une création française mise en place par la loi du 10 avril 1954.  Remplaçant toutes les taxes existant à l’époque, elle a eu le mérite d’unifier et de simplifier l’imposition de la dépense. Entre 1970 et 1980 les Etats membres ont tous adopté le principe de la TVA : facturation au client plus TVA, versement de celle-ci au Trésor sous déduction de la TVA amont payée à ses vendeurs (système dit du paiement fractionné).

Toutefois pour éviter que chaque pays applique des règles différentes, la Commission a publié la VI° directive du 17 mai 1977 et créé un ensemble de règles communes devant être utilisée par tous les Etats membres. Dès lors pas de problème majeur pour la TVA interne de chaque Etat, avec des ajustements comme pour le régime des déductions. Mais chaque Etat était libre de ses taux et les opérations intracommunautaires restaient soumises aux formalités douanières pour les ventes de biens d’un pays A vers un pays B. On était loin d’un véritable marché unique y compris pour les services.

Le libre transfert des biens et des services

Pendant plus de dix ans la Commission a cherché à mettre en place un régime assurant le libre transfert des biens et des services à l’intérieur de l’espace communautaire. La directive du 16 décembre 1991 a décidé qu’à partir du 1er janvier 1993 « sont définitivement abolis les contrôles à des fins fiscales aux frontières intérieures pour tout opération effectuée entre Etats membres…la taxation des échanges reposant sur l’imposition dans l’État membre d’origine des biens livrés et des services rendus ». Le marché unique conserve le mécanisme des paiements fractionnés auquel la France tenait beaucoup, mais avec présence d’une période transitoire prévue pour quatre ans jusqu’à 2016.

Un régime transitoire qui s’éternise

Toutefois, ce régime transitoire qui devait disparaître en 2016 était toujours en place pour les échanges de biens. Mais, ce que n’avaient pas prévu les Commissaires en 1971 c’était le développement d’une fraude à la TVA, dénommée « Fraude Carrousel »(2), dont la perte chaque année pour les États membres serait de l’ordre de 50 milliards d’euros. Il fallait absolument supprimer le régime transitoire.

Le 7 avril 2016 la Commission publiait une directive mettant en place un « Régime Définitif » (plan d’action pour la TVA).  Ce plan, après de nombreuses discussions, confirmait l’abandon du pays d’origine au profit du pays de destination pour les échanges de biens entre Etats membres.  Assez complexe, il fait confiance à l’avancée technique des régimes informatiques, le mécanisme en serait le suivant : Le pays A vend des marchandises à un pays B, l’entreprise facture son prix plus la TVA au taux du pays de destination. Elle encaisse l’ensemble, reverse la TVA au Trésor du pays A lequel la transmettra au Trésor du pays B où interviendra le mécanisme des déductions.

Ces nouvelles règles ne sont pas encore entrées en vigueur, ce qui implique que la fraude carrousel continue…En conséquence, compte tenu de la lenteur des procédures européennes, les Etats membres ont demandé la mise en place d’un « mécanisme dit de réaction rapide(MRR) » (3) qui permet de désigner le destinataire en tant que redevable de la TVA, pour certaines livraisons et prestations de services. La procédure est assez lourde, on en ignore le résultat.

Vers un régime définitif ?

Le régime canadien ou américain qui a recours à un impôt fédéral et à des taxes à la consommation locales n’a pas été retenu,  ou celui de l’auto-liquidation par l’entreprise (3), achetant les biens. Une directive du 18 janvier 2018 modifie le régime des taux réduits qui ne peuvent être inférieurs à 5 %, sauf dérogations. Il entrera en vigueur lors du régime définitif, ce qui devrait assurer une plus forte cohésion entre les différents Etats membres.

Certes trouver une solution, à l’unanimité pour 27 Etats n’est pas facile, mais la Commission semble s’enliser toujours plus avec des dérogations, pour un régime définitif qui est loin d’être opératoire…

( 1) Directive 2008 / 8 / CE pour le régime des services ;
( 2) La fraude carrousel, est la suivante : Un vendeur en A livre en B des marchandises hors taxes. L’acquéreur revend celles ci à une entreprise installée en B, facture et encaisse la TVA  qu’il ne verse pas au Trésor et disparaît. L’acquéreur en B déduit la TVa portée sur la facture  et facture à son tour hors taxe la marchandise à une entreprise de C qui va la facture à une entreprise de C qui la déduira…ces opérations peuvent continuer sans fin, d’où leur nom de carrousel ;
(3) Auto-liquidation : l’entreprise reçoit les biens hors taxe, auto calcule sa TVA sous déduction de la TVA amont et verse le solde au Trésor. Mécanisme qui interdirait la fraude carrousel, préconisé par la délégation allemende ;
( 4) Pour beaucoup de fiscalistes le MALG ne génera pas la fraude carrousel par fracturation des factures à moins de 10 000 € ;