Droits des femmes : la valse-hésitation…

Cet article est paru dans le n°26 des Nouvelles du Mouvement Européen – Provence.

Manifestation à l’occasion de la journée des droits des femmes de le 8 mars 2018 – Illustration via Jeanne Menjoulet sur Flickr

Parfois, le droit européen concernant les droits des femmes marque une progression, parfois il piétine. La période récente témoigne de cette valse hésitation… Deux exemples parmi d’autres : un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) ; une proposition de directive qui rétrécit comme peau de chagrin.

La CJUE confirme le refus de la Commission de donner suite à l’initiative citoyenne “Un de nous”

Certains se souviennent de “One of Us“ (“Un de nous” en français), la deuxième Initiative citoyenne européenne retenue et examinée par la Commission en 2014. Selon cette initiative, « l’UE devrait interdire et mettre fin au financement des activités qui impliquent la destruction d’embryons humains, en particulier dans les domaines de la recherche, de l’aide au développement et de la santé publique. » Cela, bien sûr, incluait l’avortement et la contraception. Le 28 mai 2014, la Commission avait rejeté l’Initiative dans un long Commentaire (COM(2014) 355 final) aux motifs que l’octroi de fonds européens avait pour but d’améliorer la santé maternelle et qu’ils étaient soumis à des contrôles stricts. Les promoteurs de l’Initiative avaient alors introduit un recours auprès de la CJUE visant à annuler ce Commentaire.

Le 23 avril dernier, la CJUE a rendu un arrêt les déboutant (Arrêt dans l’affaire T-561/14 European Citizens’ Initiative One of Us e.a./Commission). Dans ses conclusions, la Cour déclare que « la communication de la Commission est suffisamment motivée » en soulignant notamment « le lien existant entre les avortements non sécurisés et la mortalité maternelle, si bien qu’elle [la Commission] a pu conclure, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que l’interdiction de financement de l’avortement entraverait la capacité de l’Union d’atteindre les objectifs » de réduction de 75 % des décès en couche et d’accès universel aux droits reproductifs (inclus dans les Objectifs du millénaire pour le développement).

Anticipant ce rejet de leur recours, les promoteurs de “One of Us” avaient publié peu avant un communiqué dans lequel ils dénonçaient « le déficit démocratique » dont seraient ainsi victimes les 1,7 million de signataires. Faut-il y voir la raison pour laquelle la Cour a rappelé dans ses conclusions qu’en aucun cas, une initiative citoyenne « ne saurait contraindre la Commission à soumettre une proposition d’acte juridique » ?

Congé parental : un essai à transformer…

Depuis de nombreuses années, la plupart des études le constatent : les inégalités professionnelles et salariales entre les  femmes et les hommes se réduisent à une lenteur d’escargot. Même constat quant à l’inégale implication des  hommes et des femmes dans la prise en charge des soins aux enfants et des travaux domestiques. Beaucoup perçoivent ces deux phénomènes comme profondément liés, et ils estiment que le fait de rééquilibrer les charges familiales au sein des couples, en incitant les pères à s’impliquer davantage dans les soins aux enfants par le biais notamment d’un congé parental partagé entre les deux parents, serait susceptible, au-delà des effets bénéfiques pour les enfants et leur éducation,  d’accélérer la réduction des inégalités professionnelles.

Un certain nombre de pays se sont engagés dans cette voie (voir graphique). En 2015, la Commission européenne avait proposé une première directive allant dans ce sens ; sans succès… Aussi l’espoir a-t-il été grand quand la Commission a annoncé une directive “vie privée – vie professionnelle” dans laquelle elle propose notamment à l’ensemble des pays membres un congé paternité de dix jours à la naissance, un congé parental plus incitatif pour les pères (4 mois pour  chacun des parents dont un mois et demi rémunérés sur la base des indemnités maladie), et cinq jours de congé rémunéré par an pour s’occuper d’un proche dépendant. Mais l’espoir est vite retombé ! Le projet de directive entériné le 21 juin à Bruxelles par le conseil des ministres des Affaires sociales s’est révélé n’être qu’une « très pâle version du texte initial » (Le Monde), un texte aux formulations vagues, n’imposant plus aucun niveau minimal de rémunération et limitant à deux mois la durée du congé parental à partager entre le père et la mère… Le projet initial, ambitieux, s’est « mué en une coquille vide » (La Croix).

A l’origine de cet échec, les réticences de treize pays  membres de l’Union, dont l’Allemagne et, paradoxalement, la France. Alors même qu’il a déclaré faire de l’égalité entre les femmes et les hommes la  grande cause nationale du quinquennat, Emmanuel Macron, lors de son allocution au Parlement européen en novembre dernier, a disqualifié le projet de la Commission avec une de ces formules dont il a le secret : « c’est une belle idée qui peut coûter très cher et finir par être insoutenable » ; et cette déclaration a conforté les autres pays de l’Union qui s’y opposaient. Il est vrai que, en France, la rémunération du congé parental serait passée de 396 euros à 950 euros par mois… Reste un texte aux idées certes généreuses, mais dont la presse souligne que l’évaluation de son contenu réel peut être situé « entre pas grand-chose et presque rien » (Les Nouvelles News).

Vers une nouvelle donne en 2019 ?

Les citoyens européens renouvelleront la composition des institutions européennes (Parlement et Commission) à l’occasion des élections européennes 2019. Les décideurs arrivés à la barre de l’Union au printemps 2019 seront-ils soucieux des droits des femmes et de leur espoir de voir s’accélérer la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes ? Les évolutions politiques actuelles dans de nombreux pays de l’Union permettent d’en douter…