Élections européennes du 9 juin 2024 : un enjeu capital

L’enjeu de la future élection européenne du 9 juin 2024, la dixième depuis l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct en 1979, est capital : pourquoi ?

Parlement européen à Strasbourg

Une majorité très relative

Au Parlement européen, il n’y a pas de blocs de majorité ni de blocs d’opposition : une majorité s’obtient avec au minimum les voix de trois groupes politiques. Dans la mandature actuelle (2019-2024), sept groupes politiques se partagent l’hémicycle : les 177 Chrétiens-démocrates du PPE (où siège LR) arrivent en tête, suivis des 143 Sociaux-démocrates de S&D (où siègent Place publique et le PS) et les 101 Libéraux -démocrates de Renew (où siège Renaissance). À ces groupes se joignent souvent les 72 élus des Écologistes et Régionalistes des Verts/ALE (en France EELV). Ces quatre groupes dits « pro-européens » ont la majorité absolue par rapport aux groupes les plus conservateurs ou anti-européens, à savoir les 66 Conservateurs du groupe ECR (pas de parti français dans ce groupe) et les 66 nationalistes d’ID (Identité et Démocratie, dont le RN en France). Le panorama serait incomplet sans le groupe de gauche GUE (37 élus, dont LFI pour la France) et les non-inscrits, avec 48 élus (dont les élus de Reconquête).

Une très forte poussée électorale vers les partis nationaux de droite radicale ou extrême pourrait faire vaciller cet équilibre et faire basculer la majorité vers un nouveau conglomérat de droite dure. Cette inquiétude se fonde sur la montée des partis de droite radicale en Europe, notamment en Italie, en Finlande, en Suède, en Hongrie, en Slovaquie, en Allemagne et en France et son niveau toujours élevé en Pologne.

Attention, une élection européenne peut en cacher une autre !

L’enjeu des élections européennes ne se limite pas à l’élection des députés européens ; il est bien plus large. II s’agit de renouveler la présidence des trois plus grandes institutions européennes, le fameux « triangle institutionnel », composé du Parlement européen, du Conseil européen (les chefs d’Etat et de gouvernement) et de la Commission européenne. Les détracteurs de la Commission répètent à l’envi que celle-ci est un organisme aux pouvoirs exorbitants, non-élu de surcroît. Qu’en est-il dans la réalité ?

Ursula von der Leyen : une présidente de la Commission nommée ou élue ?

Les deux : tout d’abord nommée par le Conseil européen sur la base des résultats de l’élection de 2019 qui donnaient le PPE en tête, mais préférée à Manfred Weber, son « Spitzenkandidat » candidat tête de liste. Ursula von der Leyen a ensuite été élue par le Parlement européen en juillet 2019 avec 52 % des voix, grâce au fait qu’elle ait largement modifié son programme initial afin de coller aux exigences des groupes politiques susceptibles de la soutenir, notamment avec l’émergence du Green Deal en tête de ses objectifs. Il ne s’agissait pas d’une élection au suffrage universel direct, mais d’une élection au scrutin indirect, comme l’est celle des sénateurs en France, par exemple.

L’approbation du collège des commissaires

Une fois élue par le Parlement européen, Ursula von der Leyen a procédé à la répartition des postes de commissaires, en accord avec les États membres qui ont désigné leurs candidat.e.s, selon leurs priorités. Ces commissaires désigné.e.s ont dû affronter les nouveaux députés au cours d’auditions serrées, menées par les commissions parlementaires concernées afin de vérifier leurs aptitudes à exercer leurs futures fonctions. Ce parcours n’a pas été exempt de difficultés puisque la candidate française, Sylvie Goulard, a été rejetée par le Parlement européen, ce qui a amené la
France à désigner un nouveau candidat, Thierry Breton qui, fort de son portefeuille de commissaire du marché intérieur, a pris une dimension prépondérante au sein de la Commission, notamment lors de la crise du Covid et du conflit en Ukraine. Ladite Commission a ensuite fait l’objet d’un vote d’approbation du Parlement à 65 % en novembre 2019. On ne peut donc pas parler de Commission hors-sol, composée uniquement de technocrates, procès souvent intenté par les partis politiques les plus anti-européens. En revanche, les propositions du Parlement européen pour renforcer les aspects démocratiques des prochaines élections, notamment par la
création d’une liste transnationale, risquent de rester lettre morte, faute d’un accord au sein du Conseil de l’UE.

Ne pas se tromper d’élection

Le risque de se saisir de cette élection pour donner une leçon au locataire actuel de l’Elysée est bien réel, avec des conséquences qui seraient ravageuses au niveau européen. D’où la nécessité de se mobiliser à tous les niveaux pour inciter les électeurs à aller voter afin de renouveler les dirigeant.e.s des institutions européennes et non pas pour infliger une défaite au pouvoir en place en France. Il ne faut pas se tromper d’élection. À nous de bien l’expliquer tout autour de nous et, en particulier, auprès des primo-votants et des jeunes en général. Les sondages post-électoraux ont montré que les moins de trente ans représentaient la catégorie la plus favorable à l’UE, mais aussi celle qui vote le moins. Leur participation, si elle était augmentée significativement, pourrait être déterminante afin de consolider et d’améliorer notre Union par sa capacité à répondre aux grands défis sécuritaires et climatiques de notre temps.

 

Cet article a d’abord été publié dans la revue, l’Info, de l’AIACE de décembre 2023.