Faire gagner l’Europe, ses entreprises et ses citoyens

Tribune publiée en vue de l’Université d’automne du Mouvement Européen qui se tiendra du 12 au 14 octobre prochain à Boulogne-Billancourt. Philippe Laurent, Maire de Sceaux et Président de l’Association française de Conseil des communes et régions d’Europe revient sur les défis que l’Union européenne doit affronter à quelques mois des élections.

La Parlement européen de Strasbourg, illustration via European Parliament, sur Flickr, © European Union 2014 – European Parliament

Le constat est unanime : l’Europe est en crise. Les Français, comme la plupart des peuples européens, expriment leurs doutes, voire leur perte de confiance envers les institutions politiques de l’Union.

Le centre de gravité économique du monde se déplace vers l’Asie, l’Inde, les Etats-Unis, la Russie et, faute de vision et de leadership, la construction européenne a progressivement dérivé. Elle s’est dispersée dans un trop grand nombre de missions, perdant de vue l’essentiel. Menacée par la fragmentation sur fond de populisme (Italie, Hongrie, Autriche, etc.), l’Union européenne s’est finalement repliée sur elle-même, à défaut d’élever son horizon.

L’Europe ne doit pas être seulement celle des Etats. C’est d’ailleurs cette Europe-là qui est en train d’échouer. Le Conseil et la Commission reproduisent dans leur fonctionnement les défauts de tous les Etats centraux, de plus en plus bureaucratiques et normatifs, générant des blocages et perdant de vue l’essentiel. Pour sauver la construction européenne, il est impératif de donner un rôle plus important au Parlement, issu d’un vote démocratique (même imparfait), et d’instaurer une seconde « chambre des territoires » disposant de réels pouvoirs dans certains domaines, comme la politique de cohésion territoriale.

L’Europe doit donc aussi être l’Europe des territoires et des peuples. L’idéal européen doit redevenir accessible aux citoyens. Seuls les élus locaux, et singulièrement les maires et élus municipaux, proches des gens, peuvent y parvenir. Le pari est de mobiliser le plus grand nombre pour regagner la confiance dans la construction européenne, et vis-à-vis des institutions européennes. Il faut aller au plus près de chacun d’entre eux, convaincre de l’enjeu d’une construction européenne des peuples et pas seulement des Etats, rappeler l’apport irremplaçable de l’Union dans la paix entre des pays autrefois si prompts à s’affronter par les armes, mieux expliquer le rôle des institutions européennes et notamment du Parlement, donner à voir le concret, sur le terrain, de ce que permet l’Union européenne. Les maires, notamment, ont un rôle clé pour valoriser l’impact des politiques européennes dans leur commune. La construction européenne doit prouver maintenant ce qu’elle peut apporter à chaque citoyen. Pour cela, les Etats membres – et notamment le gouvernement français – doivent davantage travailler avec les maires et les élus locaux.

Se renouveler passe également par une prise de conscience collective. Avec près de 450 millions d’Européens, il est important d’instaurer un dialogue permanent et ambitieux et saisir l’ensemble des citoyens sur des sujets qui les concernent tous, qu’ils soient à l’échelle européenne, nationale, régionale ou communale. Il s’agit là de renouveler la confiance en l’Europe pour nombre d’entre nous qui se sentent insuffisamment associés aux décisions. En avril dernier, le président de la République a lancé le dispositif national des « Consultations citoyennes sur l’Europe ». Depuis le 17 avril et jusqu’à la fin du mois d’octobre 2018, plusieurs centaines de débats seront organisés sur le territoire national, et dans la plupart des autres pays.  L’occasion pour les citoyens de s’exprimer sur leurs attentes, de soumettre des propositions et de donner leurs opinions sur la perception qu’ils ont de l’Europe et de l’idéal européen. En favorisant la création d’une conscience citoyenne, l’Europe renforce le sentiment d’appartenance.

L’Europe répond a de nombreux défis – développement économique, changement climatique, révolution numérique, inclusion sociale… – et doit s’affirmer chaque jour un peu plus face aux superpuissances. Elle doit aussi prendre conscience qu’unie, elle constitue la première puissance économique du monde. C’est pourquoi elle doit absolument se réinventer et se renforcer. Elle doit s’affirmer comme puissance en répondant à la demande de protection de ses citoyens. Elle doit retrouver la voie de la compétitivité et de la création d’emplois. Elle doit affronter les réalités de la vie commune, concrètes, partout : amélioration des conditions de travail, égalité des sexes, développement de l’éducation, harmonisation fiscale et sociale, accueil des migrants, maintien des services publics … Elle doit s’engager résolument pour la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, car il y a urgence absolue en la matière. Et pour cela, elle doit enfin être lisible en faisant vivre le principe démocratique et en affirmant ses valeurs car elle ne partage pas seulement l’euro, mais aussi et surtout les valeurs essentielles et fondatrices d’humanisme et de solidarité.

La poursuite de la construction européenne est un enjeu essentiel. L’Europe est notre avenir commun. Notre responsabilité est immense.