À l’est de l’Ukraine : « construire des ponts entre les pouvoirs publics et les habitants »

Tetiana Lomakina dirige l’Agence de la démocratie locale de Mairupol, ville portuaire du Donetsk en Ukraine. Avec son équipe, elle nous raconte son quotidien et son combat pour changer les mentalités et pousser les habitants à investir l’espace public.

Mariupol, via ALDA

Quels sont les axes de votre action à Mariupol ?

On engage les citoyens. L’Agence agit pour construire des ponts entre les pouvoirs publics et les habitants de l’agglomération. Nous conduisons des projets aux côtés des institutions et formons les élus à communiquer.

« On incite également les citoyens à fact-checker en ligne, par eux-mêmes, l’action de leurs représentants pour renforcer la confiance entre les deux mondes. »

L’Ukraine s’est engagée dans trois grandes réformes, dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’administration. On accompagne ce dernier mouvement à travers la sensibilisation des citoyens comme de leurs élus.

Vous évoquez le peu de liens existant entre les citoyens et leurs représentants, quelles en sont les raisons ?

Les habitant attendent dans la plupart des cas que les institutions résolvent leurs problèmes, c’est un fonctionnement très vertical. Ailleurs sur le continent, les citoyens prennent part à la vie locale. Notre tâche est donc à la fois de leur montrer comment ils peuvent s’impliquer, et de donner aux élus des pistes pour les intégrer aux processus de gouvernance.

A titre d’exemple, on peut citer le budget participatif lancé cette année à Mariupol. On a vu cette pratique dans d’autres villes et on l’a proposé à l’équipe municipale. La consultation est en cours pour établir ce budget participatif dans trois secteurs clés : la construction de logements, l’investissement dans les écoles et le financement des associations culturelles et sportives.

Carte – La ville de Mairupol en Ukraine

Voyez-vous des difficultés importantes freiner vos initiatives ?

Notre principal défi réside dans l’état d’esprit de nos concitoyens : certains ont des attentes que l’on pourrait qualifier de paternalistes. Ils attendent un changement radical qui viendrait d’en haut – du pouvoir – pour changer leur vie.

« On paie l’héritage laissé par l’Union soviétique et son mode de gouvernance. La télévision centrale a martelé à plusieurs générations d’Ukrainiens que seul le Pouvoir Soviétique pouvait résoudre tous les problèmes. »

Pourtant d’anciens pays du bloc soviétique se démarque par leurs mobilisations civiques. Quelle est la différence ?

Pour illustrer, disons que plus longtemps vous étiez dans le froid, plus vous avez gelé. Et vous avez besoin de plus de temps pour vous réchauffer. Nos citoyens ont été bien plus longtemps exposés à la propagande de l’URSS que ne l’ont été les populations roumaines ou bulgares par exemple.

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Ce qu’il faut garder en mémoire, c’est qu’avant la période communiste, avant 1917, Mariupol était une ville côtière développée, ouverte à l’international et au commerce – principalement de charbon et de grains.

Où en est la sécurité à Mariupol ?

Aujourd’hui, il y a toujours trois lignes de défense de l’armée ukrainienne mobilisées pour protéger Mariupol, nous sommes en sécurité. On a donc lancé plusieurs démarches auprès du gouvernement pour obtenir la réouverture de l’aéroport, fermé en 2014 au sommet de la crise dans le Donetsk.

Nos citoyens ont envie de voyager, d’aller découvrir l’Europe. En parallèle, la société civile souhaite partir découvrir comment fonctionne les mobilisations sur le continent et quelles nouvelles initiatives peuvent être mises en œuvre.