Pour une Europe de la coopération plutôt que de la compétition

Le grand européen Jacques Delors avait une formule pour désigner les principes sur lesquels fonder le modèle européen : « la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce, la solidarité qui unit ».

Sculpture de l’euro devant la Banque centrale européenne, à Francfort, image d’illustration

Tribune publiée en vue de l’Université d’automne du Mouvement Européen qui se tiendra du 12 au 14 octobre prochain à Boulogne-Billancourt.

Qu’il suffise pourtant de regarder tout autour de nous pour constater combien ce modèle est aujourd’hui menacé. De l’extérieur d’abord, par des partis populistes qui n’envisagent l’Europe comme rien d’autre que la seule addition des politiques nationales. Leur résistible ascension et leur cortège de démagogie annoncent de plus grandes divisions au sein de nos sociétés. De l’intérieur ensuite, par une inefficacité collective due à la langueur des procédures européennes comme à la compétition qui s’est instaurée entre Etats membres pour mieux se jouer des règles communes. Aussi le travail détaché est-il accusé de tirer les salaires vers le bas, tandis que l’imposition des sociétés se mue en paravent commode d’un dumping fiscal au cœur-même de l’Europe. Cette compétition jouée jusqu’à la déloyauté ronge les principes fondateurs de la cohésion européenne.

Telle est la réalité européenne du moment. Telle est la dramaturgie de la dernière décennie, qui a vu notre Europe voguer de crise économique en crise migratoire, sans esquisser de grand dessein qui sache unir ses membres autour d’un projet commun. Pour délivrer l’Europe de ce qu’elle est devenue, il nous faudra retrouver le sens du mot « coopération ». Une partie de la réponse se trouve dans ce que le jargon européen dénomme « politique de cohésion ». Chaque année, un tiers du budget européen est ainsi consacré à financer la convergence économique et sociale des régions les moins développées, ainsi qu’à soutenir la compétitivité et l’attractivité de tout le continent. Pour la période 2014-2020, la Hongrie doit ainsi recevoir 22 milliards d’euros de fonds structurels, la Pologne 77 milliards d’euros au bénéfice des populations et des tissus économiques locaux.

Le paradoxe est que ces fonds dits de cohésion continuent d’être attribués tandis que la réalité économique et sociale vécue par des millions d’Européens est faite non de coopération mais de compétition. L’accès des Etats à ces fonds peut bien être suspendu en cas de déficit public excessif, mais pas si leur salaire minimum ou leur taux d’imposition des sociétés apparaissent excessivement bas. Une nouvelle étape dans l’intégration européenne conditionnerait leur attribution au respect de principes de convergence économique et sociale, ainsi qu’au respect des principes inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les négociations du prochain budget pluriannuel pour 2021-2027 devraient mettre cette proposition en débat.

Il en va du respect et de l’ambition que nous portons pour la construction européenne. Car notre Europe peut mourir. Nous pouvons être la génération qui prononcera son éloge funèbre. Ou nous pouvons être la génération qui renouera avec l’esprit européen. Celle qui aura le courage d’en regarder lucidement les défauts et les dysfonctionnements, celle qui saura trouver en elle l’audace de la refonder.

C’est maintenant que tout se joue.

Plus d’informations et inscriptions ici. Retrouvez le programme de l’événement.