Quelle liberté pour le peuple ?

A moins d’une semaine des élections européennes, Daniel Bigou, Président de la section du Tarn et délégué chargé des argumentaires et ripostes au sein du Mouvement Européen – France, ainsi que Adam Helcman, membre des Jeunes Européens du Tarn, expliquent pourquoi une « coopération entre les Nations » ne serait pas envisageable.

En vue des élections européennes, certains partis politiques proposent un choc pour l’Europe : sortir de la « prison de Bruxelles » et redonner la liberté aux peuples et aux États. Il est ainsi proposé de passer d’un système supranational à une coopération entre les Nations. Si cette proposition peut paraitre séduisante au premier abord, comment un tel « projet coopératif » peut-il fonctionner dans la vie quotidienne des Français, notamment pour les jeunes, et comment peut-il favoriser l’activité de nos entreprises ?

Certes, les coopérations entre quelques pays, tel le Groupe Airbus, ont fait leurs preuves et doivent être encouragées mais l’enjeu est tout autre.

En ce qui concerne les achats de tous les jours, si « le panier de la ménagère » peut être approvisionné en partie par des produits locaux, l’éventail de nos besoins fait évidemment appel à des produits européens, voire mondiaux. Nous sommes donc face à une alternative : soit le Frexit pour retrouver la maîtrise de nos échanges commerciaux par l’instauration de droits de douane, soit le maintien de la libre-circulation actuelle. En aucun cas, il ne s’agit d’une coopération entre les Nations. Avec des droits de douane, le porte-monnaie de la ménagère s’en ressentirait !

Concernant les règles et les normes actuelles et communes dans l’Union européenne, celles-ci sont nombreuses et parfois complexes. Mais elles permettent un accès automatique à un marché de près de 500 millions de consommateurs, apportent une sécurité commune pour les médicaments ou se traduisent par des standards uniques pour les équipements et l’ensemble des biens de consommation. Tout cela n’est pas le fruit d’une simple coopération mais résulte de difficiles négociations et de décisions supranationales qui certes s’imposent à tous mais aussi protègent chacun.

Quelle serait la place des très nombreux accords commerciaux actuels entre l’Union européenne et le reste du monde en cas de  changement ? Si l’on veut reconquérir notre liberté pour conclure de tels accords « qui négociera et au nom de combien d’États européens » ? Et quelle sera la compatibilité entre ces futurs accords et les accords actuels ? Qui paiera leur rupture et les demandes de compensation par les pays tiers ? Qui supportera les chocs économiques et sociaux ? La réponse est connue.

Quid de la Politique Agricole Commune ? Le risque majeur d’une coopération entre les États sera inévitablement la renationalisation de la PAC. Certes celle-ci doit être améliorée mais quels seront les dégâts d’un démantèlement européen compte tenu des retours financiers actuels vers l’agriculture française, des risques de distorsion de concurrence et peut-on balayer plus de 50 ans de construction commune entre les agricultures ?

Concernant le sujet institutionnel, un transfert des compétences européennes au bénéfice des États, voire la suppression de certaines institutions, telle la Commission ou la Cour de Justice européennes, supposeront une modification et une ratification des traités à l’unanimité. Et, si cela se produisait, qui garantira nos droits lorsque nous voyagerons dans un autre pays européen ? Dit plus clairement, la justice des Etats que nous visiterons, se substituera-t-elle à la Cour de Justice qui garantit aujourd’hui le respect de la Charte européenne des Droits fondamentaux et, par conséquent, les droits civiques, politiques et économiques des citoyens ?

Enfin il y a l’essentiel, c’est-à-dire l’avenir des jeunes générations. Aujourd’hui, après un long processus, l’Europe a bâti entre 28 pays une véritable politique intégrée d’éducation, notamment en matière de précarité et de chômage par la mise en place d’une « Garantie Jeunes de moins de 25 ans » pour trouver une formation ou un emploi. Cette disposition a contribué à faire reculer le chômage européen des jeunes du niveau record de 24 % en 2013 à 14 % en 2019. Le programme Erasmus s’est élargi, devenant « Erasmus + » pour davantage de mobilité pour les apprentis et les jeunes travailleurs. L’Europe donne donc sa chance aux jeunes, pour qu’ils se forment,  s’épanouissent dans leur vie personnelle et professionnelle, manifestent leur dynamisme et expriment leur force de propositions !

L’Europe actuelle est loin d’être parfaite. Elle doit être significativement améliorée et transformée, y compris par des « coopérations renforcées » comme le permettent les traités actuels. Son efficacité globale tient à l’imbrication entre les économies nationales qui crée de la richesse, soutient l’emploi et conditionne notre niveau de vie. C’est la raison pour laquelle vouloir détricoter cet ensemble, tel le Brexit, rend illusoire la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne.

Être libre seul ou être libre avec les autres, il faut choisir mais un leurre de liberté et une fausse souveraineté seraient néfastes, tragiques, voire funestes. Ne nous laissons pas abuser !