Logo du projet « European Immigration » de Murièle Dejaune, enseignante au lycée des métiers Louis Blériot
Alexandra Tillet est professeur au collègue Lakanal d’Aubagne, Murièle Dejaune enseigne l’anglais au lycée des métiers Louis Blériot à Trappe et Edouard Caburet est conseiller principal d’éducation à l’école européenne de Strasbourg. Leurs projets allient enseignement sur l’Europe et découverte culturelle, pour enrichir la perspective des élèves.
En quelques mots, pourriez-vous présenter vos projets ?
A. Tillet : J’ai fait travailler mes élèves sur l’écriture d’un e-magazine en français sur des thèmes de leurs choix (tourisme, la vie au collège, les recettes, la mode le maquillage, les animaux, les jeux vidéo, les musiques, le sport et les mangas).
« J’ai monté ce projet avec 15 élèves atteints de troubles dit « sévères » du langage et des difficultés pour l’apprentissage. Ils ont collaboré avec des jeunes en provenance du Portugal, d’Italie de Roumanie et de Pologne. »
M. Dejaune : nous avons monté une collaboration avec deux écoles à Chypre et en Roumanie sur le thème de l’immigration. Le projet consistait à répartir mes élèves dans des groupes internationaux, chaque groupe rédigeant ensemble des nouvelles sur ce thème. Dans ma classe, à Trappes, nous avons plus de 54 origines différentes, mes élèves sont donc déjà sensibilisés à ces questions.
E. Caburet : J’ai eu l’idée d’organiser un « Conseil Européen » de la vie lycéenne sur le modèle de ce qui se fait au niveau de l’Académie Au départ, en 2016, l’initiative rassemblait deux partenaires, en Roumanie et en Grèce. Puis d’autres pays nous ont rejoint : l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Lettonie et la Lituanie. Nous avons organisé une rencontre rassemblant 10 représentants par pays.
Lors du premier jour de cette rencontre, les élèves ont élu un président et un vice-président avec comme condition qu’ils ne soient pas de même nationalité. Le lendemain, les élèves ont participé à de nombreux ateliers sur la citoyenneté européenne, l’engagement civique et la vie lycéenne à travers le continent.
« Les élèves ont également remis le « Malala Prize », inventé pour l’occasion. Sur le modèle du prix Sakharov remis par le Parlement Européen, le prix récompense une personnalité – pas forcement connue – engagée dans la défense des droits de l’homme, de la libre expression, etc. Les élèves ont délibéré et choisi le gagnant lors d’une session plénière. A terme, on aimerait que ce projet soit reconnu comme une instance de représentions des lycéens Européens auprès du Parlement Européen. »
Qu’est-ce qui vous motive à monter ces projets ? Pourquoi pousser les élèves à travailler avec différentes nationalités ?
A. Tillet : Mon objectif était de répondre aux besoins particuliers de mes élèves en ce qui concerne le langage. Le prérequis était donc l’utilisation de la langue française, leur langue maternelle. Cela a permis d’une part pour les élèves étrangers partenaires de perfectionner leur langue étrangère (i.e. : le français) et d’autre part de faciliter l’inclusion de tous les participants au sein des groupes de rédaction.
« Mes élèves ont pu aider les autres élèves dans la maîtrise du Français. Au quotidien, du fait de leurs handicaps et de leurs difficultés scolaires, ils n’ont pas l’habitude d’être les plus à l’aise en cours. Ils ont gagné en confiance en eux au cours du projet. »
M. Dejaune : En premier lieu, le travail de collaboration permet de casser les nombreux stéréotypes que les élèves ont en tête. Cela les a rendus plus autonomes et a amélioré leur sens du partage et la connaissance de l’autre
Les adolescents qui ont participé au projet deviennent plus ouverts sur ce qui se passe ailleurs en Europe, et cela les aide pour leur avenir. D’ailleurs, plusieurs de mes anciens élèves ont ensuite eu envie de partir vivre dans un autre pays européen. Pour moi, il est primordial que les jeunes se rencontrent. Il faut plus d’échanges, en virtuel bien sûr mais aussi en présentiel. C’est ce partage qui, pour moi, crée une identité européenne commune. Je pense même qu’il faut aller plus loin et proposer à tous les lycéens de partir au moins un mois dans un autre établissement scolaire d’un pays membre.
E. Caburet : Pour moi, ce projet en collaboration participe vraiment à la création d’une identité commune européenne, et cela de plusieurs manières. Déjà quand les élèves se présentent en tant que français, polonais, etc, ils doivent réfléchir à leur identité nationale. Ensuite au cours de la rencontre, ils se rendent compte de ce qu’ils ont en commun avec les autres élèves européens. Cette collaboration permet de créer des liens et donc de créer une certaine identité transnationale.
Comment sensibiliser les élèves à l’éducation civique et à la citoyenneté, particulièrement européenne ?
A. Tillet : Selon moi, la meilleure méthode pour sensibiliser les adolescents à ces question-là, c’est d’aller les chercher dans leur quotidien – c’est à dire de partir de leurs centres d’intérêt – pour les inviter à s’ouvrir au monde.Pour moi il faut des projets très transversaux : l’éducation civique ne doit pas être seulement un cours mais doit allier plusieurs matières. Il faut donner du sens aux compétences que l’on apprend à nos élèves afin qu’ils voient un intérêt à les apprendre et, pour cela, un des moyens est de leur parler de leur quotidien.
M. Dejaune : Mes élèves ne connaissent en général ni l’histoire européenne ni ses institutions. Ils ne connaissent de l’Europe que ce que les médias en disent. Donc pour eux, l’Europe c’est quelque chose qui marche pas et qui coûte cher. Selon moi, le coté social et culturel de l’Europe n’est pas suffisamment mis en avant dans les programmes scolaires, ni même dans les médias.
E. Caburet : À l’école européenne de Strasbourg, la question européenne est extrêmement présente contrairement aux établissements traditionnels. J’ai l’impression que ces lacunes en matière de sensibilisation aux questions européennes sont moins présentes ailleurs en Europe. En Italie par exemple, les professeurs ont plus de moyens à leurs dispositions pour ce genre de projet
« L’éducation civique est une matière très poussiéreuse, elle doit être plus participative et active. Les élèves doivent apprendre à débattre, à argumenter et en même temps à connaitre les institutions et leurs représentants dans ces institutions. Chez nous par exemple, l’élection des délégués de classe se déroulent sur 3 semaines après les dépôts de candidatures, le temps de la campagne. »
Pour aller plus loin : retrouvez l’ensemble de ces initiatives sur leurs pages eTwinning : le E-magazine d’Alexandra Tillet, E.S.C.ape to your European Citizenship d’Edouard Caburet et le projet European Immigration de Murièle Dejaune.