« Il faut toujours nous battre pour jouer » : le football féminin, entre l’Allemagne et la France

A Sorgues dans le Vaucluse, les associations européennes ont organisé le premier tournoi de foot féminin européen du département. Joueuses et acteurs sportifs témoignent d’une discipline en développement mais qui souffre encore largement d’un manque de moyens au regard de son homologue masculin.

Les joueuses du premier tournoi de football féminin européen du Vaucluse réunies à Sorgues le 2 juin. © Mouvement Européen – France

« A notre niveau, les hommes gagnent de l’argent »

« On s’organise par nous-même. On doit tout faire toutes seules ». Hannah et Sophie viennent de Berlin et ont fusionné avec une formation de Potsdam pour arriver à former une équipe suffisamment nombreuse pour participer au tournoi. « C’est vrai que l’on a du mal à trouver des joueuses » note Hannah. Elle salue d’ailleurs « la très belle initiative » des organisateurs de ce tournoi européen.

Au cœur de la Provence, le district Grand Vaucluse de la Ligue du football amateur (LFA), les comités de jumelage du département, le Mouvement Européen et l’Office franco-allemand pour la jeunesse ont réuni 20 équipes européennes pour un tournoi parrainé par l’ancienne internationale française Marinette Pichon, première joueuse de l’hexagone à avoir signé un contrat professionnel aux États-Unis en 2002. Un pays qui fait rêver Hannah : « la situation n’est pas rose pour le foot amateur mais il faut dire que c’était pire avant. On espère quand même un jour arriver au niveau de la Suède voire des États-Unis, où le foot féminin est aussi important que le foot masculin ».

Chez les joueuses, derrière la joie de la rencontre, l’amertume de compétitions d’envergure parfois trop rares : « c’est facile de trouver un club en Allemagne. Mais il faut ensuite s’investir pour le faire fonctionner. On doit tout faire de notre propre initiative. Personne ne va venir vous chercher. Il faut se toujours se battre pour pouvoir jouer ! » commente Jenny, coéquipière d’Hannah à Berlin. « Ce serait une erreur de comparer le foot féminin au foot masculin. Prenez plutôt le tennis de table. Ça donnera une idée des moyens que nous avons » complète-t-elle.

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Une pratique en plein développement

La France a fêté en 2017 le centenaire de la pratique du foot féminin. La discipline compte désormais 1,27 millions de licenciées professionnelles ou semi-professionnelles en Europe. Et l’Allemagne a le plus important contingent avec près de 200 000 joueuses.

Pour Graziella Chevallier, en charge des championnats féminins au sein du District Grand Vaucluse de la LFA : « le football féminin s’est développé. Il y a plus de demandes. Les mentalités changent. Avant les parents ne voulaient pas que leurs filles fassent du foot. » Un avis partagé par de nombreuses joueuses allemandes.  Chiara, originaire « du centre de l’Allemagne » note que le foot féminin s’est développé dans sa région. « C’est même à la mode maintenant ».

En France, le district Grand Vaucluse compte 2 000 femmes parmi ses 20 000 licenciés. « Chez nous il y a autant de monde pour les rencontres féminines que chez les garçons » note Graziella Chevallier. Avec 70 équipes « du niveau poussin à sénior » la LFA du Vaucluse voit son effectif féminin se développer régulièrement.

« On déploie de nouvelles initiatives pour ouvrir les yeux aux gens. Ce tournoi européen est une première étape pour donner une dimension communautaire, internationale, à notre action. On souhaite allier la culture au sport pour favoriser la mixité » note-t-on également au siège du football départemental. Un programme intitulé « Mesdames, franchissez les barrières » est développé ici pour impliquer les femmes qui gravitent autour des clubs – les mères de famille notamment – « et ne plus les voir qu’à la buvette. On allie visites de villages provençaux et pratique sportive pour leur mettre le pied à l’étrier » comment Graziella Chevallier.

Football féminin : un combat pour l’égalité hommes/femmes

« Quand les garçons jouent, il y a plus de spectateurs. Ils sont pris beaucoup plus au sérieux. On souffre encore de nombreux préjugés : on m’a déjà dit que le foot ‘ne me rendait pas féminine’ par exemple. » Ce témoignage, c’est celui d’Angelina. Elle joue dans l’équipe de Marbourg dans la Hesse en Allemagne. Si elle note l’intérêt croissant que suscite la discipline – surtout après le succès de l’Euro 2017, plus de 13 millions de personnes dans le monde avaient alors regardé la finale – elle déplore les difficultés associées à la pratique quotidienne. « C’est un problème de mentalité, d’égalité entre les hommes et les femmes, cela se fait dans la tête des gens » rétorque-t-elle quand on lui demande ce que devrait faire les pouvoirs publics à ce propos.

L’ancienne internationale Marinette Pichon demande « plus de moyens »

« Le sport est un vecteur d’insertion, d’échange, c’est pour ça que je suis là aujourd’hui et que je soutiens cette initiative » nous dit d’emblée Marinette Pichon, la marraine de l’événement. Elle appelle à « pérenniser ce type d’initiative pour resserrer les liens entre les nations en Europe ».

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Du haut de ses 112 sélections et 82 buts en équipe de France, la championne salue le travail de la Fédération et des clubs pour développer la pratique du foot féminin mais demande « encore plus de moyens dans l’encadrement, la formation, l’accompagnement scolaire et les infrastructures ». Des investissements parallèles au développement professionnel : « le foot féminin doit surfer sur la légitimité de l’infrastructure masculine, asseoir sa notoriété d’abord via l’équipe de France puis à travers le relai des grands clubs et des antennes fédérales ».