Pour une autre PAC : « rendre accessible à tous une alimentation de qualité »

Quentin Delachapelle, Président de la plateforme inter-organisation “pour une autre PAC”, revient pour Euroclic sur ses propositions pour la réforme de la politique agricole commune (PAC) européenne.

Exploitation agricole via Indigo Skies Photography sur flickr.

Que reprochez-vous  à la Politique agricole commune actuelle ?

L’enjeu de la sécurité alimentaire n’est pas assez pris en compte dans la politique agricole européenne qui, inadaptée aux attentes des consommateurs, engendre une perte de confiance envers le secteur agricole. De plus, la réglementation est aujourd’hui incomprise et inadaptée aux enjeux des agriculteurs. Si nous voulons permettre à d’autre régions du monde de développer leur agriculture, cela ne peut se faire en faussant le marché avec une telle PAC. Nous ne sommes pas contre le principe d’import/export de produits issus de l’agriculture mais il nous apparaît indispensable de cibler cette politique agricole sur un objectif d’autonomie alimentaire à l’échelle européenne sans perturber le développement agricole des autres régions du monde.

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Comment peut-on protéger l’agriculture européenne au cœur de la mondialisation ?

Dans ce marché mondial, il est nécessaire de remettre les droits humains avant les droits commerciaux. Les aides attribuées aux agriculteurs doivent être légitimées par la reconnaissance du service rendu par l’agriculture au reste de la société.

« La priorité est de rendre accessible à tous une alimentation de qualité car une part non négligeable de la population n’y a pas encore accès. Par exemple nous revendiquons le droit de chacun d’avoir un accès à une alimentation biologique, indépendamment de leurs revenus. »

Un deuxième problème est soulevé par notre collectif : les aides de la PAC sont modulées en fonction de la surface de l’exploitation agricole, alors qu’elles devraient être modulées en fonction du type de production. Concrètement, des aides peuvent être apportées à une exploitation de tomates pour l’industrie agro-alimentaire et être refusées à un maraîcher qui privilégie les circuits courts au niveau local. Pour faire face à la concurrence mondiale, les aides sont trop orientées sur les productions industrielle. De plus, il est injuste d’imposer des normes qualitatives en Europe tout en important des produits étrangers aux standards inférieurs.

N’est-il pas compliqué de faire une politique commune avec l’ensemble des pays européens ? Ont-ils tous les mêmes besoins ?

Les besoins de tous les agriculteurs du monde sont de vivre de leurs métiers et d’être socialement reconnus. Il existe cependant des spécificités en fonction des zones géographiques.

La principale difficulté est d’adapter cette politique commune au niveau économique de chaque Etat membre. La PAC actuelle vise la restructuration du monde agricole et ne cherche pas à créer de l’emploi dans le milieu agricole. Les exploitations agricoles familiales des pays de l’Est ont beaucoup pâti des modalités d’accès aux aides de la PAC. De plus, la concentration d’une population très agricole dans une région est perçue comme un signe de sous-développement, tant au niveau européen que mondial.

« L’agriculture n’est pas suffisamment reconnue comme un outil de développement économique territorial. C’est pourtant une erreur que de croire que tout passera par l’urbanisation et l’industrie tertiaire. »

Aujourd’hui le chômage de masse vise particulièrement les zones rurales. Nous estimons que l’agriculture constitue une opportunité à saisir pour redynamiser ces régions. La transition ne se fera pas par le développement d’une agriculture intensive, fortement mécanisée, où la transformation des matières premières s’effectue uniquement dans les zones urbaines.

« Il faut relocaliser et diversifier l’agriculture pour que les pratiques agro-écologiques soient pourvoyeuses d’emplois. Cette nouvelle politique agricole serait la réponse aux attentes de la société en termes de consommation et d’alimentation de qualité. »

La difficulté serait d’adapter les mesures au niveau nationale en fonction de la situation de chaque pays. Il faudrait alors proposer de décliner cette politique commune en offrant une marge de manœuvre aux États sans pour autant nationaliser le dispositif. Il est même possible d’aller plus loin et de décliner la PAC par grande région agricole avec des moyens adaptés en fonction des besoins et des spécialités de chaque territoire.

Que proposez-vous pour une PAC plus efficace ?

Pour moi, les aides de la PAC doivent être attribuées en fonction de l’impact des exploitations en terme social, c’est à dire avec une corrélation réelle entre le nombre de travailleurs sur une ferme et les subventions qui lui sont attribuées. Une exploitation qui salarie beaucoup de personnels doit être plus soutenue qu’une grande exploitation qui ne crée pas d’emploi.

L’autre enjeu est celui de l’impact environnemental de l’agriculture. Les exploitations qui prennent en compte l’environnement doivent être mieux accompagnées par rapport à celles qui ne respectent pas des normes écologiques. Cette politique agricole commune doit être un levier pour accompagner la transition vers des pratiques plus vertueuses.

Enfin, l’un des principaux problème demeure dans la gestion de la PAC par les grandes organisations agricoles et les gouvernements. Etant l’un des principaux budgets de l’Europe, il est essentiel d’associer l’ensemble de la société civile à la prise de décisions, comme cela a été le cas lors des Etats Généraux de l’Alimentation.

Présentation : qu’est que la plateforme « pour une autre PAC » ?

En 2009, nous étions un collectif informel d’associations françaises rassemblées autour de la question agricole. Cette structure a été relancée en 2017 et nous somme aujourd’hui une trentaine de structures rassemblant différents acteurs de la société civile. Ces structures sont divisées en quatre pôles : organisations paysannes, organismes de protection de la nature, organisation de solidarité internationale et organisation de citoyens-consommateurs. Notre objectif est de pouvoir peser sur la proposition de politique agricole commune afin qu’elles correspondent aux attentes de la société. Il ne faut plus seulement aborder la politique commune en Europe uniquement sous l’angle agricole mais mettre en commun l’ensemble des attentes de toutes les parties prenantes.

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